Citoyenneté=Nationalité ?

Au niveau fédéral le concept de citoyenneté est étroitement lié à la nationalité et aux droits politiques. Selon cette définition étroite, la citoyenneté appartient (seulement) aux personnes disposant du droit de cité communal et cantonal (et donc du passeport suisse) (art. 37 de la Constitution fédérale).

Une telle définition étroite de la citoyenneté, s’impose-t-elle aussi au niveau cantonal ? En d’autres termes, est-ce que la citoyenneté cantonale doit être dépendante du passeport suisse?
La Constitution fédérale donne une réponse claire: les cantons sont libres de régler les droits politiques cantonaux et communaux comme bon leur semble (art. 39). Ils ont fait usage de cette liberté en octroyant des droits politiques aux étrangers établis depuis un certain temps, comme cela s’est fait à Neuchâtel, Jura, Vaud, Fribourg ou Genève en Suisse Romande et dans certaines communes des cantons d’Appenzell Rhodes Extérieures, Grisons ou de (théoriquement[1]) Bâle-Ville.

Citoyenneté=Droits politiques ?

Est qu’on peut envisager une citoyenneté qui va au-delà des droits politiques ?
Malgré le rôle important qu’ils jouent dans le système politique suisse, et l’attachement que les suisses ont pour leur système, les droits politiques n’offrent pas à vrai dire des possibilités de participation – entendue comme le fait de participer à l’élaboration de la norme.
Les citoyens qui votent sur des initiatives ou des référendums peuvent s’exprimer en répondant « oui », « non » ou « blanc » à la question posée. Dans certains cas, où l’on vote sur une initiative et un contre projet, ils ont aussi la possibilité de dire lequel des deux ils préfèrent, pour le cas où les deux devraient être approuvés. C’est la question subsidiaire.
Les citoyens (ou leur très grande majorité) ne peuvent pas en principe participer à la formulation de la question soumise au vote. Les initiatives et les référendums sont formulés par des comités, composés d’un nombre restreint de personnes. Le citoyen a le droit de signer ou pas une demande d’initiative ou de référendum, et ensuite, si elles aboutissent, de voter sur elles (oui/non/blanc). Le référendum constructif, qui permet de dire « non, parce que » et de proposer une solution est connu à peu d’endroits[2] et ne semble pas se répandre dans les cantons. Son application reste difficile.
Or, si participer à la formulation des questions semble très difficile au niveau fédéral (étant donné la taille de l’électorat), une telle participation parait bien plus facile à réaliser à l’échelle communale. De nouvelles idées se développent dans ce sens. Présenté lors de la discussion organisée par le IHEID, « Les défis de la démocratie suisse », la plateforme https://inilab.ch/ (encore en phase d’élaboration) offre une possibilité de participation à l’élaboration de questions (initiatives) avant qu’elles soient finalisées et présentées au niveau communal notamment.
La participation publique, qui ne se limite pas aux droits politiques, est de plus en plus objet de discussions. Ce concept, défendu par la CFM, vise à informer les destinataires des possibilités d’intervenir, les impliquer dans l’élaboration de solutions et les faire voter sur les solutions retenues. Il est adapté au niveau local et vise à faire émerger des solutions, acceptables pour la plupart des destinataires.
Pourquoi élargir la participation ? Pour différentes raisons, qui sont spécifiques aux situations locales. Vernier a par exemple introduit les Contrats de Quartier dans le but de renforcer le lien social. Ailleurs, les démarches participatives permettent aux citoyens de réaliser des tâches communales, assurant des services qui autrement ne pourraient plus être réalisés, réductions budgétaires obligent.

Quelle citoyenneté voulons-nous ?

Actuellement la citoyenneté est définie, selon des critères subjectifs, notamment au niveau fédéral, où elle est liée à la nationalité. Les critères subjectifs sont questionables. Pourquoi les suisses de l’étranger, qui ne paient pas d’impôts, auraient plus de droits politiques que les étrangers établis et qui paient leurs impôts ici ? (les Suisses de l’étranger ont les droits politiques fédéraux et, selon les cantons, aussi des droits au niveau cantonal, voire communal).
La citoyenneté de demain devrait être liée à des critères plus objectifs. Lesquels ? Résidence depuis un certain temps et le fait d’y payer ses impôts, p.ex. Ou bien à une autre forme d’attachement qui passerait par un service civil obligatoire, comme le préconise Avenir Suisse.
La citoyenneté de demain devrait en tout cas être plus étendue. Il en va de sa quintessence. Une citoyenneté qui exclut un quart des habitants (au niveau Suisse), ou 40% de sa population (à Genève) a un problème de légitimité. Il en va finalement du sens de la démocratie directe suisse qui se base sur le principe que les personnes touchées par les décisions devraient prendre part à leur adoption, directement (en votant sur ces questions) ou indirectement (en élisant leur représentants).
La citoyenneté de demain devrait pouvoir s’étendre, au-delà des droits politiques, à d’autres formes de participation alternative, à l’exemple du Contrat de Quartier de Vernier, pour en citer un des instruments les plus originaux et connus sur le canton de Genève. Des pistes existent. Discutons-en.
[1] Les communes de Bâle-Ville ont la possibilité de décider d’octroyer des droits politiques aux étrangers, cependant aucune n’a encore fait usage de cette possibilité.
[2] Berne et Zurich