Vous êtes parmi ceux qui ont franchi le pas de la naturalisation et qui sont en possession d’un passeport rouge à croix blanche? Une tâche exigeante vous attend le 28 février: voter sur pas moins de douze questions: quatre fédérales et huit cantonales. Et si vous êtes domicilié-e en Ville de Genève, une treizième question, communale, se rajoute.
Heureusement vous avez environ un mois pour y réfléchir, du moment où vous avez reçu le matériel de vote jusqu’au jour de votation. Vous pouvez bien sûr décider de voter avant le 28 février, par correspondance.
Les étrangers peuvent-ils voter au niveau cantonal?
Etant donné que c’est une compétence cantonale, la réponse varie. A Genève la réponse est non. Actuellement seul deux cantons, Neuchâtel et Jura, octroient des droits politiques aux étrangers au niveau cantonal.
Le tableau ci-dessous montre les cantons les plus progressistes en la matière, notamment ceux qui octroient le droit de vote et d’éligibilité (sauf Genève) aux étrangers au niveau communal. Hormis Neuchâtel et Jura les autres ne prévoient pas de droits politiques pour les étrangers au niveau cantonal. Il est cependant possible, du moins théoriquement, pour un-e étranger-ère d’être élu-e aux autorités judiciaires à Neuchâtel et à Fribourg ou aux Prud’hommes à Genève.
Neuchâtel continue de faire œuvre de pionnier. Après avoir octroyé l’éligibilité communale aux étrangers en 2007, le canton discute actuellement de leur éligibilité cantonale. Le Grand Conseil y est favorable, ainsi que le Gouvernement. Le peuple sera certainement appelé à se prononcer.
Il faut souligner que les décisions qui sortiront des urnes le 28 février toucheront tout autant les étrangers établis en Suisse que les Suisses eux-mêmes (voire uniquement les étrangers pour ce qui concerne l’initiative de mise en œuvre). Idéalement, et dans plusieurs domaines déjà, les personnes directement concernées par une décision sont entendues, voire consultées, n’est-ce pas?
S’ils ne peuvent pas voter, les étrangers se font ils entendre d’une autre manière lors de votations? Force est de constater que, cette fois comme tant d’autres, un quart environ de la population suisse reste bien silencieux. Il manque, à notre connaissance, une prise de position harmonisée des représentants de la communauté étrangère. A titre de comparaison notons que les Suisses de l’étranger disposent quant à eux d’un lobby très fort et font régulièrement entendre leur voix, d’autant plus lorsqu’il s’agit de décisions les affectant directement.
Les questions fédérales
Les quatre objets fédéraux soumis en votation le 28 février 2016 touchent des domaines très variés comme l’imposition (initiative pour le couple et la famille), la portée des droits populaires (initiative de mise en œuvre), les opérations financières spéculatives (pas de spéculation sur les denrées alimentaires) ou le transport routier (modification de loi fédérale permettant la construction d’un deuxième tube et la réfection du tunnel du Gothard).
Les trois premières questions sont des initiatives, donc des modifications de la constitution fédérale proposées par le peuple, ou plutôt par le comité qui a lancé chaque initiative. La quatrième question résulte d’un référendum: un comité référendaire a contesté avec succès la modification de la loi fédérale décidée par le Parlement.
Dans les deux cas les comités ont dû récolter un certain nombre de signatures valables pour que la question soit votée, soit 100’000 signatures en 18 mois pour l’initiative et 50’000 signatures en 100 jours pour le référendum.
Pour les trois premières questions une majorité du peuple et des cantons sera nécessaire pour que l’initiative soit acceptée. Dans le quatrième cas, celui du référendum, la majorité du peuple suffit.
Mais comment les votants se font-elles/ils un avis? Les enjeux sont truffés de détails techniques et juridiques dont la brochure fédérale « Votation populaire du 28 février 2016 – Explications du Conseil fédéral » donne un bon aperçu.
Cette même brochure est présentée de manière simplifiée et illustrée sur le site easyvote.ch .
Le dossier de la RTS dédié à cette votation contient lui aussi des explications et débats intéressants. Pour ceux qui souhaitent approfondir, la consultation des sites internet des partisans et des opposants à chaque question est recommandée.
L’exemple de l’initiative de mise en œuvre
Elle concerne directement l’étendue des droits populaires. Une question fondamentale se pose: jusqu’où va le droit d’initiative? Et, en lien direct avec cela, jusqu’où va la protection des droits de l’homme? La question revient souvent, notamment par rapport à des initiatives dites xénophobes.
Le Parlement a procédé à la mise en œuvre de l’initiative sur le renvoi des étrangers criminels qui avait été approuvée en novembre 2010. Mais le comité d’initiative n’étant pas satisfait, il a lancé avec succès la présente initiative, dite de mise en œuvre.
Celle-ci veut imposer une conception spécifique de la mise en œuvre du renvoi des étrangers criminels privant ainsi le Parlement et le juge de leur marge d’interprétation. L’initiative est très controversée. Le traitement non différencié des délits graves et mineurs, ainsi que de tous les délinquants indépendamment de leur situation personnelle et de leur origine violent la Constitution et la CEDH.
Tôt ou tard, le Tribunal fédéral ou la Cour européenne des droits de l’homme seront appelés à se prononcer et peut-être à révoquer de telles décisions de renvoi. L’ensemble des professeurs de droit que compte la Suisse ont signé un manifeste « La Suisse est un Etat de droit. Non à l’initiative de mise en œuvre ».
Un comité d’ONG et les organisations de protection des droits de l’homme s’engagent contre l’initiative. Du coté des initiants, une page internet ainsi que une page Facebook contiennent les informations sur l’initiative. Finalement, ce sera au peuple et aux cantons de trancher.
Les questions cantonales
La tâche du votant n’est guère plus facile au niveau cantonal, où huit questions lui sont soumises.
Les trois premières questions sont liées: il s’agit (1) d’une initiative populaire pour la suppression des allègements fiscaux, (2) d’un contre projet du Grand Conseil sous la forme d’une modification de la loi sur l’imposition des personnes morales et (3) de la question subsidiaire visant à clarifier lequel de l’initiative ou du contre projet a la préférence du votant si d’aventure les deux recevaient une majorité de suffrages.
Rien n’empêche en fait le votant de voter OUI à l’initiative et au contre projet. Il est dès lors nécessaire de clarifier laquelle doit l’emporter. C’est le but de la question subsidiaire.
La quatrième question est un référendum obligatoire, c’est-à-dire une consultation obligatoire du peuple suite à une modification de la Constitution cantonale. La modification en question attribue la qualité d’organe de révision des comptes à la Cour des comptes.
Les questions 5, 6, 7 et 8 concernent toutes des modifications de lois cantonales: loi sur le logement et la protection des locataires, loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance maladie, loi sur les prestations complémentaires cantonales et loi ouvrant un crédit d’ouvrage pour construire un bâtiment de stationnement de troupes à Meyrin-Mategnin contribuant à la libération du site des Vernets. Ces quatre modifications de lois cantonales ont en commun le fait d’avoir été contestées par des comités référendaires et finalement c’est le peuple qui doit trancher.
Toutes les informations sur les huit objets cantonaux soumis en votation se trouvent sur le site des votations de l’Etat. La presse locale leur consacre souvent des articles. Les comités référendaires publient également des argumentaires sur leurs propres sites, comme p.ex. l’Asloca pour la question 5 ou Avivo pour les questions 6 et 7 ou encore le GSsA pour la question 8.